Catégorie : Actus

Texte de présentation (octobre 2016)

Depuis de nombreuses années la Méditerranée est devenue un véritable cimetière pour les migrant-e-s. En cause, la politique migratoire des États européens et de l’État français, avant tout sécuritaire : ils dépensent des sommes colossales pour empêcher les migrant-e-s d’arriver en militarisant les frontières, en contrôlant, « triant » dans des camps, en construisant des murs ou en expulsant vers une Turquie en pleine dérive autoritaire. Le choix du gouvernement français de n’accueillir qu’une poignée des populations qui fuient les guerres, le terrorisme, la misère constitue un véritable crime et vise en réalité à diviser les populations, à rendre les migrant-e-s invisibles tout en entretenant la peur de l’étranger.

Dans notre ville comme ailleurs, les moyens donnés par l’État et les collectivités locales sont nettement insuffisants, à commencer par le manque de logements, malgré les places supplémentaires des nouveaux CADA. De nombreuses personnes, des familles, des enfants, se retrouvent à la rue, isolé-e-s et sans moyens de subsistance. Rien, ou très peu, n’est prévu pour assurer l’interprétariat, les cours de français, l’accès aux soins et aux transports…
Toutes ces tâches reposent sur d’éventuel-le-s bénévoles.
Nous refusons la discrimination entre migrant-e-s économiques et réfugié-e-s politiques et nous luttons pour le droit de vivre et s’installer pour tou-te-s, là où chacun-e le souhaite. Notre collectif, créé en mai 2016, veut impulser avec les migrant-e-s un réseau de solidarité pour les aider à sortir de leur isolement social, favoriser l’échange, la rencontre et la découverte de notre société. Mais aussi les soutenir dans la bataille pour l’égalité des droits, l’obtention de meilleures conditions d’accueil, et dénoncer l’absence de politiques dignes des enjeux.

Point sur notre fonctionnement (novembre 2016)

Un collectif, c’est comme une auberge espagnole, on y trouve ce que l’on y apporte. Il n’a pas d’existence ni de capacités d’action en dehors des gens qui le composent, qui s’y impliquent, chacun-e selon ses capacités et ses disponibilités. C’est aussi un espace qui peut permettre de renforcer les initiatives des un-e-s et des autres, pour peu qu’elles soient mises au pot commun.
Nous avons fait le choix, et il y a eu débat, d’agir et sur le plan de la solidarité concrète et sur celui plus politique de la visibilisation de la situation des migrant-e-s et des causes qui mènent à cette situation. Car sans replacer la question des migrant-e-s dans l’espace public, il n’y a pas de perspectives autres que celles de coups de main qui pallient des manques comme on bouche un puits sans fond. Jusqu’à ce qu’on abandonne, épuisé-e.
Malgré les difficultés, nous restons persuadé-e-s que notre double positionnement est pertinent. Nous faisons aussi le constat que, même s’ils sont très insuffisants, les espaces de solidarité sur la ville existent, ce qui n’est pas le cas des espaces de visibilité de la situation des migrant-e-s. Et que sans construction commune, il n’y pas de perspectives de bâtir un rapport de force pour tenter de faire bouger les lignes, d’obtenir ce qu’une solidarité individuelle isolée ne peut pas atteindre.

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Assignation à résidence

Fiche-Réflexe- La Cimade-Pôle « enfermement-expulsion » Septembre 2017

Cette fiche apporte les éléments d’identification de l’assignation à résidence : mesure de contrôle et d’expulsion. Elle permet d’en comprendre les principaux enjeux et de permettre une meilleure information et orientation des personnes sous le coup de telles mesures.

ASSIGNATIONS_A_RESIDENCE_CIMADE_2017

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Dimanche 17 septembre à 10h30
séance unique au cinéma UTOPIA RÉFUGIÉ-E-S CITY PLAZA
Suivie d’une rencontre avec le collectif Migrant-e-s Bienvenue 34 
Collectif Solidarité Grèce – documentaire Grèce 2016 52mn –

Il y a des expériences qui méritent d’être vues de près et relatées comme celle de l’Hôtel City Plaza, à Athènes, une centaine de chambres habitées par plus de 400 réfugiés, principalement débarqués en Grèce, par bateau et venus de Syrie, d’Afghanistan, du Pakistan, des Kurdes, une immense tour de Babel. On y entend parler le Urdu, le Pachtoune, le Tadjik, le Dari, le Russe. Chacun a de la famille à quelque part en Europe et essaie de rejoindre qui un frère en Suède, qui une tante en Allemagne qui un père en Italie. Ils sont depuis plusieurs mois en Grèce et attendent de partir. L’Hôtel City Plaza a été réquisitionné par des militants d’extrême-gauche, le 22 avril 2016. Un hôtel abandonné depuis des années par le propriétaire qui ne pouvait plus payer ses salariés. Ceux-ci se sont montrés solidaires et s’estiment en partie propriétaires des meubles et des équipements qu’ils mettent à disposition des réfugiés. L’hôtel est branché sur l’électricité d’un chantier voisin. Une expérience de solidarité concrète, en autogestion.

À celles et ceux qui fuient la guerre, la misère, les États de l’Union Européenne opposent la fermeture de leurs frontières. Aux portes du Moyen Orient, la Grèce, exsangue, s’est transformé en cul-de-sac pour les réfugiés venus se fracasser sur l’Europe forteresse. Pas d’accueil, ou si peu, pas de moyens à la hauteur de l’enjeu humain, pas de volonté politique, si ce n’est celle de refouler. Aux portes du Moyen Orient, la Grèce, exsangue, s’est transformé en cul-de-sac pour les réfugiés venus se fracasser sur l’Europe forteresse. Face au désastre humanitaire, des Athéniens, aidés de volontaires internationaux, ont décidé de réquisitionner un hôtel vide, le City Plaza, pour y accueillir plusieurs centaines d’exilés, adultes comme enfants. Une expérience de solidarité concrète, en autogestion.

Après la projection, débat avec des militant-e-s du collectif Migrant-e-s Bienvenue 34, qui se bat depuis le printemps 2016 sur Montpellier pour impulser avec les personnes migrantes un réseau de solidarité, afin de les aider à sortir de leur isolement social, de favoriser l’échange, la rencontre. Mais aussi de les soutenir dans la bataille pour l’égalité des droits, l’obtention de meilleures conditions d’accueil, et dénoncer l’absence de politiques dignes des enjeux.
https://fr-fr.facebook.com/events/277416146093190/

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Rendez-vous proposés par l’intercollectif des Cévennes

Rendez vous autour de la question des frontières et des solidarités :
– mardi 12 Septembre 18h: Réunion du collectif Soutien migrants de Saint
Jean du Gard
Au presbytère (près de la poste)
– samedi 16 septembre 18h : Débat Public « En matière d’accueil des
migrants, quelle est la politique de l’Europe ? »
Rencontre avec Valério animateur de Service Social International et
repas partagé :affiche valério
3 Bd des châtaigniers au Vigan
– mercredi 20 septembre 10h-12h30 et 14h-18h : Journée d’inscription aux
cours de français
Cours gratuits de français débutant et d’alphabétisation pour adultes –
A la Rétive à Alès
(plus d’infos https://laretive.info/)
– mardi 26 septembre 19h : Intercollectif cévennes
Salle du temple, près de la bio-coop à St Hippolyte du fort.

– samedi 30 septembre dès 12h : Cantine sans frontières
Repas prix libre en soutien à des familles sans papiers – A la Rétive à
Alès
– samedi 30 sept / dimanche 1er oct. : Rencontres régionales des
collectifs sud-est
A Pierrerue (04) – demandez pour plus d’infos.

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Les Prahda : isoler, invisibiliser, expulser

 

Publié le 30 août 2017 | Maj le 31 août

Quelques jours après de nouvelles évacuations, la question se pose une fois de plus quant aux modalités et conditions de ces « mises à l’abri » incertaines et plus généralement des dispositifs actuels d’hébergement des demandeurs d’asile. Le Prahda [1] a fait son apparition récemment. Témoignages.

On avait commencé à parler en France d’un nouveau dispositif d’hébergement, le Prahda, géré par Adoma, qui avait « remporté le marché » en novembre 2016, après l’appel d’offres du ministère de l’Intérieur [2]. Le Prahda, Programme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile, serait officiellement un relai des CAO – autre dispositif d’accueil des demandeurs d’asile – et théoriquement « dispositif d’hébergement d’urgence », dans un objectif d’augmentation des places d’accueil des demandeurs d’asile en France. Il y aurait, à terme, un total de 62 Prahda mis en place sur le territoire français, pour un total de places prévues à terme de 5351 . Mais le constat des associations et collectifs sur place est alarmant. Les conditions de vie dans ces lieux, pour la plupart des anciens Formule 1, sont très préoccupantes. Ce nouveau dispositif semble nuire gravement aux droits des demandeurs d’asile, notamment en matière juridique, et ce, loin des villes, dans l’indifférence quasi-générale.

Isolement et détérioration des conditions de vie
La situation semble être partout à peu près identique, à quelques détails près. Un ancien Formule 1, à plusieurs kilomètres d’une ville, en bord de nationale ou départementale, loin de tout commerce, et souvent encore sans cuisine, sans machine à laver. Pas d’accès à Internet ni de transports en commun à plusieurs kilomètres à la ronde.

Par exemple à Lesquin, dans les Hauts-de-France, le Prahda est situé à une sortie d’autoroute, à côté de l’aéroport.

En région Auvergne-Rhône-Alpes, un Prahda héberge une cinquantaine de personnes, dont plusieurs femmes seules avec bébés, des familles, et des jeunes. L’hôtel est situé à quatre kilomètres d’une petite ville, le long d’une route départementale où se succèdent les camions. Pour rejoindre l’arrêt de bus le plus proche, on n’a pas le choix, il faut marcher le long de la route, qui descend et qui monte, pendant une vingtaine de minutes, sans trottoir. Le trajet à pied se fait au ras des véhicules, et les personnes se font régulièrement klaxonner, les automobilistes signalant la dangerosité de marcher sur le côté de cette route. J’ai fait le trajet avec trois personnes, dont une jeune femme avec bébé. La moindre chute, ou un écart de voiture, peuvent être fatals. C’est pourtant la seule solution pour faire les courses. Ici les tickets de transport sont aux frais des personnes.

Cette situation est loin d’être unique : à Bourges par exemple, le Prahda est à 10 km du centre-ville. A Quimper, il est à environ 5 km du centre-ville, dans une zone commerciale, au bord d’une voie express.

« Ici, me dit une jeune femme hébergée en Prahda, il y a deux énormes problèmes. Le premier, c’est qu’il n’y a aucun commerce, aucun supermarché pour acheter de la nourriture, et pour acheter des choses un peu encombrantes, comme du papier-toilette, du shampoing, c’est quasiment impossible, vu la distance à faire. Et surtout, deuxième problème, il n’y a pas de cuisine ». A ma grande stupeur, il n’y a donc aucune plaque électrique, aucun dispositif de cuisson ni de cuisine sur place, pour les 47 habitants du lieu. Certains habitants ont investi, avec leurs économies, dans un petit réchaud électrique qu’ils branchent dans leurs chambres, puisqu’il n’y a pas de pièce commune, mais si les employés le trouvent, ils le confisquent systématiquement, pour raisons de sécurité. Deux semaines plus tard, deux petites plaques ont été installées, pour ces 47 personnes, mais elles ne sont utilisables que le matin, de 10h à 12h, sur inscription préalable.

Seul matériel à disposition : deux petits frigos et deux micro-ondes, pour 47 personnes, ce qui est largement insuffisant, surtout en pleine canicule. Officiellement, dans la plupart des Prahda, la réponse est la même : une cuisine va être construite. Mais on ne sait pas exactement quand, et les dimensions risquent d’être largement en-deçà du nombre de personnes. En attendant, cette jeune femme a été amenée aux urgences après n’avoir pas mangé suffisamment pendant plusieurs jours. Vraisemblablement, les lieux ont donc été « remplis » avant même d’être conformes et adaptés à l’accueil de personnes ; pendant un à trois mois, plusieurs centaines de personnes y sont « installées », dans des conditions très précaires, en attendant les travaux et installations éventuels.

L’ex-Formule 1 est là, devant un grand parking désert et clôturé, au bord de la route. Il n’y a pas de salle commune, seulement quelques chaises sur le perron du parking. Quelques résidents sont assis sur une marche, et regardent les voitures et camions passer, dans un bruit assourdissant. Autre témoignage dans un Prahda, ni placards ni rangements, et des chambres très exiguës de 7 mètres carré pour deux personnes, ou plus s’il y a des enfants.

Sur place, il n’y a aucune association, ni collectif, ni bénévoles, pour venir en aide aux résidents. La seule aide extérieure concrète, c’est la distribution de nourriture des Restos du Cœur, « souvent juste du pain et quelques yaourts », me dit une résidente. Les quelques personnes qui viennent apporter des courses et un peu de compagnie viennent d’un autre département. Les employés ne parlent pas de langues étrangères, ni même anglais. Il n’y a pas de cours de français. Une femme me dit qu’elle ne comprend pas les consignes de la gérante, qui ne parle que français, qu’on lui laisse des mots sur sa porte qu’elle ne comprend pas, et qu’elle n’arrive pas à se faire comprendre lorsqu’elle demande des indications. J’ai dû expliquer moi-même la situation juridique de la personne, que visiblement la gérante n’avait pas compris. Il y avait des erreurs importantes dans son dossier – dont une erreur de nationalité sur son justificatif d’hébergement.

À raison d’un salarié équivalent temps plein pour 20 à 25 personnes, dont au moins 40% d’intervenants sociaux, les normes d’accueil et d’accompagnement en Prahda sont nettement inférieures à celles des CADA. Dans ce Prahda, il y a donc un directeur à mi-temps, et une assistante sociale, pour 47 personnes. Les conditions de travail sont difficiles.

Une autre habitante plus âgée, originaire d’Europe de l’Est, rencontre de graves problèmes de santé depuis plusieurs semaines. Elle doit se rendre à une visite médicale obligatoire, trois fois par semaine, au centre-ville. Evidemment, pour s’y rendre, il faut marcher deux kilomètres sur la départementale, puis prendre le bus, et ce, en pleine canicule. Son médecin lui a interdit de marcher, car cela présente un réel danger pour sa santé. Mais elle n’a pas le choix. C’est une atteinte grave à la santé de cette personne.

Il n’y a aucun accès Internet. Cela semble dépendre du bon vouloir du gérant. Cela veut donc dire que les occupants n’ont pas de source de distraction, qu’ils ne peuvent pas communiquer avec leurs familles et amis, et qu’ils ne peuvent chercher des informations juridiques ou générales, ni avoir accès aux actualités de leurs pays et régions respectives.

Il n’y a rien à faire, nulle part où aller, c’est une manière de tuer les gens à petit feu. Si on quitte le lieu, c’est considéré comme un refus des conditions d’accueil, donc on perd toute aide financière. Si on reste, cela peut sûrement durer longtemps. Un jeune demandeur d’asile soudanais me dit qu’il est là depuis plus d’un mois, qu’il va de moins en moins bien. « Aidez-nous, s’il-vous-plait », me dit une autre maman que je croise, « faites-nous sortir d’ici ».

Une autre habitante du lieu, elle aussi avec un bébé, dit qu’elle préférerait vivre à la rue plutôt que de rester là, et qu’elle pensait quitter le lieu bientôt, même si cela signifie donc une rupture du contrat avec l’OFII et l’arrêt de l’aide financière. Une semaine plus tard, sa voisine m’appelle et me dit qu’elle est partie depuis maintenant cinq jours, sans donner de nouvelles.

Dans le même Prahda, la gérante a dit à une résidente que la possession d’un réchaud électrique, ou encore la « non-coopération » avec les employés – retards, conservation de documents – peut être un motif d’exclusion du lieu pour non-respect des règlements. Les motifs d’exclusion, assez flous, font planer une menace sur les demandeurs d’asile. « Je sais que je dois faire attention, parce que je dois rester en bons termes avec la directrice. J’essaie de ne pas trop m’énerver. Mais la dernière fois, je me suis emportée, et c’est vraiment difficile pour moi d’aller lui parler maintenant », me raconte une jeune femme. Pour les bénévoles, qui ne sont pas toujours bien reçus par les directeurs de Prahda, c’est aussi une crainte, qui incite à la prudence : se voir interdire l’accès au centre.

Des transferts incessants
Certaines des personnes rencontrées ont été transférées plusieurs fois avant d’arriver au Prahda, duquel elles vont vraisemblablement être retransférées. Une femme en est à son quatrième transfert en cinq mois, ce qui a impliqué pour elle de changer quatre fois d’assistante sociale. Dans ces conditions, un minimum de suivi sérieux semble difficile. De plus, ces transferts bousculés, parfois d’une région à l’autre, comme dans le cas de cette femme, entraînent des complications absurdes : elle avait déposé son récépissé pour renouvellement en préfecture dans un autre département, et n’a donc pas ce document avec elle, qui est maintenant à presque une heure et demie de TER, dans une autre ville. Elle n’a donc pas pu changer non plus d’adresse de domiciliation, et n’a pas pu accéder à son courrier depuis quatre semaines.

Tout est bloqué. Une autre femme en attente de soins doit attendre deux semaines un devis de remboursement alors que sa prise en charge pourrait être immédiate, parce que sa caisse d’assurance maladie, obtenue après bien des péripéties, est basée dans un autre département.

De même, les affaires des personnes ne suivent pas toujours. Partie dans la précipitation, les affaires de l’une d’entre elles, restées à l’ancien lieu d’hébergement, étaient censées arriver, après une semaine d’attente. Mais la gérante les a renvoyées, sous prétexte que le colis était trop gros, et qu’elle n’avait pas été prévenue. Selon elle, les affaires n’auraient pas de place dans la chambre, il faut que les demandeurs d’asile « voyagent » léger…

Le discours de la gérante se répète : « ils sont mieux ici que dans la rue ; il faut être content avec ce qu’on a, c’est mieux que rien, et c’est mieux que des tentes ». C’est peut-être là le fond du problème. Car le référentiel ne devrait être ni la rue ni la tente, mais un logement digne. Et certains n’étaient pas dans la rue, mais dans des CAO ou des CADA. Certains suivaient des cours de français, étaient entourés par des associations, aidés dans leurs démarches, les enfants avaient des amis, et les transferts tombent comme des condamnations vers ces Prahda loin de tout, au point où l’on se demande encore si l’OFII s’occupe de personnes ou traite des marchandises et des numéros.
Les expulsions
« J’étais dans un camp à Paris, me dit un demandeur d’asile soudanais. Un matin ils nous ont embarqués et je suis monté dans le bus. Quand on est arrivé ici, j’ai compris que j’avais fait une erreur. Maintenant je suis en Dublin, en procédure accélérée, pas en procédure normale. Ca fait trois semaines que je suis ici, et je ne sais pas quoi faire. L’assistante sociale est gentille mais elle me dit qu’elle ne peut rien faire pour moi, que je dois juste attendre ».

Selon le demandeur d’asile soudanais, il y aurait, sur soixante personnes, seulement trois personnes en procédure « normale ». C’est donc une espèce de regroupement des personnes en attente d’expulsion qui semble avoir cours ici. C’est une particularité des Prahda, sinon l’objectif principal de ce dispositif : assignation à résidence et préparation de l’expulsion. Bref, une systématisation et une augmentation des expulsions des demandeurs d’asile en procédure Dublin, c’est-à-dire expulsion vers le pays européen où ils ont déposé leurs empreintes en premier, souvent le premier pays d’arrivée – dans beaucoup de cas, l’Italie, l’Espagne, la Hongrie. Sauf que dans beaucoup de cas aussi, l’expulsion des personnes vers ce pays ne leur permet pas d’y déposer une demande d’asile, et peut éventuellement aboutir à une expulsion directe vers leur pays d’origine, ce qui est notamment le cas pour les ressortissants afghans. Cette vocation à « assigner » et « expulser » est clairement définie dans le document technique des Prahda : on y lit, « les personnes placées sous procédure Dublin pourront être maintenues dans le lieu d’hébergement le temps nécessaire à la mise en œuvre effective de leur transfert vers l’Etat responsable de l’examen de leur demande d’asile » .

Seul problème, deux jeunes femmes d’Afrique de l’Ouest par exemple, toutes les deux accompagnées d’un nouveau-né, ne sont théoriquement pas renvoyables en Italie. Elles possèdent un courrier conservé par la préfecture qui atteste d’un danger réel pour elles en Italie lié à des violences subies via des réseaux de prostitution et pour l’une d’entre elles des menaces liées à sa fuite en France. Problème, les courriers attestant des violences subies sont également restés dans une autre ville, où elles étaient hébergées précédemment. Il n’est donc pas impossible que les autorités outrepassent ce courrier et que les personnes ne puissent défendre leurs droits.

Plus préoccupant encore. Des personnes en fin de procédure Dublin sont transférées en Prahda. Tout s’accélère. Début août dans l’Yonne, quatre personnes déjà convoquées risquent une expulsion, et d’autres sont convoquées en préfecture. Un collectif s’organise pour affirmer son soutien aux personnes, en mettant en place des moments de discussion, des repas, des manifestations, et accompagnent les personnes lors de leurs convocations en préfecture. Certains risquent, de fait, des expulsions vers leurs pays d’origine quand leur demande d’asile a été rejetée dans le pays tiers. Au-delà de la violence extrême des expulsions forcées, les renvois vers le pays d’origine sont extrêmement dangereux pour les personnes, surtout lorsqu’elles ont subi des persécutions et discriminations évidentes dans ces pays. La plupart seront, dans ce pays tiers, en situation de clandestinité, et sans aucune aide ni prise en charge. Alors que, comme l’a rappelé récemment M. Jacques Toubon, les « renvois au nom de Dublin ne sont pas obligatoires », « il existe une clause dans le règlement Dublin qui permet à la France de prendre leur demande d’asile en compte » . « La situation est vraiment difficile pour nos amis, écrit un membre du collectif. L’angoisse et la peur sont insupportables ». D’autant plus que beaucoup d’entre eux ont attendu pendant de longs mois une possible régularisation, pour finalement se voir en procédure d’expulsion. Le 23 août, une majorité des personnes en procédure Dublin dans ce Prahda ont reçu des arrêtés d’expulsion. Une dizaine d’expulsions ont eu lieu depuis l’ex-CAO du Gard, vers l’Italie.

Les convocations et assignations à résidence se multiplient dans les autres Prahda. Loin des maisons et loin des caméras. Sans faire de bruit. Là où parfois il n’y a pas de soutien, pas de collectif. Les personnes ne sont pas aidées dans leurs démarches. En Gironde, certains sont en procédure Dublin depuis plus de sept mois et pourraient faire des demandes de réadmission, et ceux qui sont déboutés pourraient faire des recours, mais rien ne semble fait pour les aider.

Les Prahda, avec le système des assignations à résidence et des agents de la préfecture qui se déplacent pour remettre des arrêtés de transfert, deviennent de petits centres de rétention. Dans certains Prahda, il y a des vigiles, et souvent les grilles automatiques sont fermées la nuit. Les centres sont équipés de nombreuses caméras de surveillance.

Pour les personnes en procédure « normale », c’est-à-dire qui ont pu déposer une demande d’asile en France et ont pu suivre une procédure auprès de l’OFPRA, la question se pose aussi de leur suivi. Est-ce qu’ils reçoivent l’encadrement et l’aide nécessaire pour constituer leur dossier et faire des recours, si leur demande est rejetée ? Les assistantes sociales sont souvent débordées. Vu l’isolement des Prahda et, bien souvent, l’absence d’associations d’aide juridique, cela semble difficile.

Les Prahda, alors, qu’est-ce que c’est ? Souvent des ex-hôtels Formule 1, souvent non-équipés, en bord d’autoroute, au milieu de nulle part, avec un très faible nombre d’employés. La conséquence de cet isolement, c’est l’absence complète d’accès aux associations d’aide juridique et sociale, l’absence complète d’accès à des cours de français et au tissu de relations et d’entraide susceptibles de rassembler les personnes et de les aider à faire valoir leurs droits. La situation peut changer, et commence déjà à changer un peu, grâce à l’énergie des solidaires et des bénévoles, et les efforts des travailleurs sociaux. Mais les procédures d’expulsion du territoire se multiplient.

Isoler, séparer, invisibiliser… Ce dispositif s’inscrit dans le durcissement sécuritaire, la précarisation des demandeurs d’asile, la nette dégradation de leurs conditions d’accueil et de respect de leurs droits, déjà dénoncés par les associations, ainsi que l’augmentation et l’accélération des expulsions sous procédure Dublin. Les Prahda s’inscrivent dans la politique actuelle d’expulsion et de « tri » réservée aux demandeurs d’asile en France et en Europe.

Alors que faire, sinon dénoncer, dénoncer inlassablement ? Parler des Prahda, informer les uns, sensibiliser les autres, tenter de résister à l’isolement des résidents des Prahda, en implantant des structures associatives, en proposant de l’aide juridique, en montrant que les personnes sont suivies et écoutées, en luttant contre les expulsions et en médiatisant ces expulsions.

À toutes fins utiles, la liste des Prahda sur le territoire est disponible ici :

Liste des Prahda

Notes

[1] Programme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile

[2] Adoma remporte le marché PRAHDA et prépare l’après-CAO, sur IAATA, mai 2017

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Les Prahda : isoler, invisibiliser, expulser

Les Prahda : isoler, invisibiliser, expulser

Publié le 30 août 2017 | Maj le 31 août

Quelques jours après de nouvelles évacuations, la question se pose une fois de plus quant aux modalités et conditions de ces « mises à l’abri » incertaines et plus généralement des dispositifs actuels d’hébergement des demandeurs d’asile. Le Prahda [1] a fait son apparition récemment. Témoignages.

On avait commencé à parler en France d’un nouveau dispositif d’hébergement, le Prahda, géré par Adoma, qui avait « remporté le marché » en novembre 2016, après l’appel d’offres du ministère de l’Intérieur [2]. Le Prahda, Programme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile, serait officiellement un relai des CAO – autre dispositif d’accueil des demandeurs d’asile – et théoriquement « dispositif d’hébergement d’urgence », dans un objectif d’augmentation des places d’accueil des demandeurs d’asile en France. Il y aurait, à terme, un total de 62 Prahda mis en place sur le territoire français, pour un total de places prévues à terme de 5351 . Mais le constat des associations et collectifs sur place est alarmant. Les conditions de vie dans ces lieux, pour la plupart des anciens Formule 1, sont très préoccupantes. Ce nouveau dispositif semble nuire gravement aux droits des demandeurs d’asile, notamment en matière juridique, et ce, loin des villes, dans l’indifférence quasi-générale.

Isolement et détérioration des conditions de vie
La situation semble être partout à peu près identique, à quelques détails près. Un ancien Formule 1, à plusieurs kilomètres d’une ville, en bord de nationale ou départementale, loin de tout commerce, et souvent encore sans cuisine, sans machine à laver. Pas d’accès à Internet ni de transports en commun à plusieurs kilomètres à la ronde.

Par exemple à Lesquin, dans les Hauts-de-France, le Prahda est situé à une sortie d’autoroute, à côté de l’aéroport.

En région Auvergne-Rhône-Alpes, un Prahda héberge une cinquantaine de personnes, dont plusieurs femmes seules avec bébés, des familles, et des jeunes. L’hôtel est situé à quatre kilomètres d’une petite ville, le long d’une route départementale où se succèdent les camions. Pour rejoindre l’arrêt de bus le plus proche, on n’a pas le choix, il faut marcher le long de la route, qui descend et qui monte, pendant une vingtaine de minutes, sans trottoir. Le trajet à pied se fait au ras des véhicules, et les personnes se font régulièrement klaxonner, les automobilistes signalant la dangerosité de marcher sur le côté de cette route. J’ai fait le trajet avec trois personnes, dont une jeune femme avec bébé. La moindre chute, ou un écart de voiture, peuvent être fatals. C’est pourtant la seule solution pour faire les courses. Ici les tickets de transport sont aux frais des personnes.

Cette situation est loin d’être unique : à Bourges par exemple, le Prahda est à 10 km du centre-ville. A Quimper, il est à environ 5 km du centre-ville, dans une zone commerciale, au bord d’une voie express.

« Ici, me dit une jeune femme hébergée en Prahda, il y a deux énormes problèmes. Le premier, c’est qu’il n’y a aucun commerce, aucun supermarché pour acheter de la nourriture, et pour acheter des choses un peu encombrantes, comme du papier-toilette, du shampoing, c’est quasiment impossible, vu la distance à faire. Et surtout, deuxième problème, il n’y a pas de cuisine ». A ma grande stupeur, il n’y a donc aucune plaque électrique, aucun dispositif de cuisson ni de cuisine sur place, pour les 47 habitants du lieu. Certains habitants ont investi, avec leurs économies, dans un petit réchaud électrique qu’ils branchent dans leurs chambres, puisqu’il n’y a pas de pièce commune, mais si les employés le trouvent, ils le confisquent systématiquement, pour raisons de sécurité. Deux semaines plus tard, deux petites plaques ont été installées, pour ces 47 personnes, mais elles ne sont utilisables que le matin, de 10h à 12h, sur inscription préalable.

Seul matériel à disposition : deux petits frigos et deux micro-ondes, pour 47 personnes, ce qui est largement insuffisant, surtout en pleine canicule. Officiellement, dans la plupart des Prahda, la réponse est la même : une cuisine va être construite. Mais on ne sait pas exactement quand, et les dimensions risquent d’être largement en-deçà du nombre de personnes. En attendant, cette jeune femme a été amenée aux urgences après n’avoir pas mangé suffisamment pendant plusieurs jours. Vraisemblablement, les lieux ont donc été « remplis » avant même d’être conformes et adaptés à l’accueil de personnes ; pendant un à trois mois, plusieurs centaines de personnes y sont « installées », dans des conditions très précaires, en attendant les travaux et installations éventuels.

L’ex-Formule 1 est là, devant un grand parking désert et clôturé, au bord de la route. Il n’y a pas de salle commune, seulement quelques chaises sur le perron du parking. Quelques résidents sont assis sur une marche, et regardent les voitures et camions passer, dans un bruit assourdissant. Autre témoignage dans un Prahda, ni placards ni rangements, et des chambres très exiguës de 7 mètres carré pour deux personnes, ou plus s’il y a des enfants.

Sur place, il n’y a aucune association, ni collectif, ni bénévoles, pour venir en aide aux résidents. La seule aide extérieure concrète, c’est la distribution de nourriture des Restos du Cœur, « souvent juste du pain et quelques yaourts », me dit une résidente. Les quelques personnes qui viennent apporter des courses et un peu de compagnie viennent d’un autre département. Les employés ne parlent pas de langues étrangères, ni même anglais. Il n’y a pas de cours de français. Une femme me dit qu’elle ne comprend pas les consignes de la gérante, qui ne parle que français, qu’on lui laisse des mots sur sa porte qu’elle ne comprend pas, et qu’elle n’arrive pas à se faire comprendre lorsqu’elle demande des indications. J’ai dû expliquer moi-même la situation juridique de la personne, que visiblement la gérante n’avait pas compris. Il y avait des erreurs importantes dans son dossier – dont une erreur de nationalité sur son justificatif d’hébergement.

À raison d’un salarié équivalent temps plein pour 20 à 25 personnes, dont au moins 40% d’intervenants sociaux, les normes d’accueil et d’accompagnement en Prahda sont nettement inférieures à celles des CADA. Dans ce Prahda, il y a donc un directeur à mi-temps, et une assistante sociale, pour 47 personnes. Les conditions de travail sont difficiles.

Une autre habitante plus âgée, originaire d’Europe de l’Est, rencontre de graves problèmes de santé depuis plusieurs semaines. Elle doit se rendre à une visite médicale obligatoire, trois fois par semaine, au centre-ville. Evidemment, pour s’y rendre, il faut marcher deux kilomètres sur la départementale, puis prendre le bus, et ce, en pleine canicule. Son médecin lui a interdit de marcher, car cela présente un réel danger pour sa santé. Mais elle n’a pas le choix. C’est une atteinte grave à la santé de cette personne.

Il n’y a aucun accès Internet. Cela semble dépendre du bon vouloir du gérant. Cela veut donc dire que les occupants n’ont pas de source de distraction, qu’ils ne peuvent pas communiquer avec leurs familles et amis, et qu’ils ne peuvent chercher des informations juridiques ou générales, ni avoir accès aux actualités de leurs pays et régions respectives.

Il n’y a rien à faire, nulle part où aller, c’est une manière de tuer les gens à petit feu. Si on quitte le lieu, c’est considéré comme un refus des conditions d’accueil, donc on perd toute aide financière. Si on reste, cela peut sûrement durer longtemps. Un jeune demandeur d’asile soudanais me dit qu’il est là depuis plus d’un mois, qu’il va de moins en moins bien. « Aidez-nous, s’il-vous-plait », me dit une autre maman que je croise, « faites-nous sortir d’ici ».

Une autre habitante du lieu, elle aussi avec un bébé, dit qu’elle préférerait vivre à la rue plutôt que de rester là, et qu’elle pensait quitter le lieu bientôt, même si cela signifie donc une rupture du contrat avec l’OFII et l’arrêt de l’aide financière. Une semaine plus tard, sa voisine m’appelle et me dit qu’elle est partie depuis maintenant cinq jours, sans donner de nouvelles.

Dans le même Prahda, la gérante a dit à une résidente que la possession d’un réchaud électrique, ou encore la « non-coopération » avec les employés – retards, conservation de documents – peut être un motif d’exclusion du lieu pour non-respect des règlements. Les motifs d’exclusion, assez flous, font planer une menace sur les demandeurs d’asile. « Je sais que je dois faire attention, parce que je dois rester en bons termes avec la directrice. J’essaie de ne pas trop m’énerver. Mais la dernière fois, je me suis emportée, et c’est vraiment difficile pour moi d’aller lui parler maintenant », me raconte une jeune femme. Pour les bénévoles, qui ne sont pas toujours bien reçus par les directeurs de Prahda, c’est aussi une crainte, qui incite à la prudence : se voir interdire l’accès au centre.

Des transferts incessants
Certaines des personnes rencontrées ont été transférées plusieurs fois avant d’arriver au Prahda, duquel elles vont vraisemblablement être retransférées. Une femme en est à son quatrième transfert en cinq mois, ce qui a impliqué pour elle de changer quatre fois d’assistante sociale. Dans ces conditions, un minimum de suivi sérieux semble difficile. De plus, ces transferts bousculés, parfois d’une région à l’autre, comme dans le cas de cette femme, entraînent des complications absurdes : elle avait déposé son récépissé pour renouvellement en préfecture dans un autre département, et n’a donc pas ce document avec elle, qui est maintenant à presque une heure et demie de TER, dans une autre ville. Elle n’a donc pas pu changer non plus d’adresse de domiciliation, et n’a pas pu accéder à son courrier depuis quatre semaines.

Tout est bloqué. Une autre femme en attente de soins doit attendre deux semaines un devis de remboursement alors que sa prise en charge pourrait être immédiate, parce que sa caisse d’assurance maladie, obtenue après bien des péripéties, est basée dans un autre département.

De même, les affaires des personnes ne suivent pas toujours. Partie dans la précipitation, les affaires de l’une d’entre elles, restées à l’ancien lieu d’hébergement, étaient censées arriver, après une semaine d’attente. Mais la gérante les a renvoyées, sous prétexte que le colis était trop gros, et qu’elle n’avait pas été prévenue. Selon elle, les affaires n’auraient pas de place dans la chambre, il faut que les demandeurs d’asile « voyagent » léger…

Le discours de la gérante se répète : « ils sont mieux ici que dans la rue ; il faut être content avec ce qu’on a, c’est mieux que rien, et c’est mieux que des tentes ». C’est peut-être là le fond du problème. Car le référentiel ne devrait être ni la rue ni la tente, mais un logement digne. Et certains n’étaient pas dans la rue, mais dans des CAO ou des CADA. Certains suivaient des cours de français, étaient entourés par des associations, aidés dans leurs démarches, les enfants avaient des amis, et les transferts tombent comme des condamnations vers ces Prahda loin de tout, au point où l’on se demande encore si l’OFII s’occupe de personnes ou traite des marchandises et des numéros.
Les expulsions
« J’étais dans un camp à Paris, me dit un demandeur d’asile soudanais. Un matin ils nous ont embarqués et je suis monté dans le bus. Quand on est arrivé ici, j’ai compris que j’avais fait une erreur. Maintenant je suis en Dublin, en procédure accélérée, pas en procédure normale. Ca fait trois semaines que je suis ici, et je ne sais pas quoi faire. L’assistante sociale est gentille mais elle me dit qu’elle ne peut rien faire pour moi, que je dois juste attendre ».

Selon le demandeur d’asile soudanais, il y aurait, sur soixante personnes, seulement trois personnes en procédure « normale ». C’est donc une espèce de regroupement des personnes en attente d’expulsion qui semble avoir cours ici. C’est une particularité des Prahda, sinon l’objectif principal de ce dispositif : assignation à résidence et préparation de l’expulsion. Bref, une systématisation et une augmentation des expulsions des demandeurs d’asile en procédure Dublin, c’est-à-dire expulsion vers le pays européen où ils ont déposé leurs empreintes en premier, souvent le premier pays d’arrivée – dans beaucoup de cas, l’Italie, l’Espagne, la Hongrie. Sauf que dans beaucoup de cas aussi, l’expulsion des personnes vers ce pays ne leur permet pas d’y déposer une demande d’asile, et peut éventuellement aboutir à une expulsion directe vers leur pays d’origine, ce qui est notamment le cas pour les ressortissants afghans. Cette vocation à « assigner » et « expulser » est clairement définie dans le document technique des Prahda : on y lit, « les personnes placées sous procédure Dublin pourront être maintenues dans le lieu d’hébergement le temps nécessaire à la mise en œuvre effective de leur transfert vers l’Etat responsable de l’examen de leur demande d’asile » .

Seul problème, deux jeunes femmes d’Afrique de l’Ouest par exemple, toutes les deux accompagnées d’un nouveau-né, ne sont théoriquement pas renvoyables en Italie. Elles possèdent un courrier conservé par la préfecture qui atteste d’un danger réel pour elles en Italie lié à des violences subies via des réseaux de prostitution et pour l’une d’entre elles des menaces liées à sa fuite en France. Problème, les courriers attestant des violences subies sont également restés dans une autre ville, où elles étaient hébergées précédemment. Il n’est donc pas impossible que les autorités outrepassent ce courrier et que les personnes ne puissent défendre leurs droits.

Plus préoccupant encore. Des personnes en fin de procédure Dublin sont transférées en Prahda. Tout s’accélère. Début août dans l’Yonne, quatre personnes déjà convoquées risquent une expulsion, et d’autres sont convoquées en préfecture. Un collectif s’organise pour affirmer son soutien aux personnes, en mettant en place des moments de discussion, des repas, des manifestations, et accompagnent les personnes lors de leurs convocations en préfecture. Certains risquent, de fait, des expulsions vers leurs pays d’origine quand leur demande d’asile a été rejetée dans le pays tiers. Au-delà de la violence extrême des expulsions forcées, les renvois vers le pays d’origine sont extrêmement dangereux pour les personnes, surtout lorsqu’elles ont subi des persécutions et discriminations évidentes dans ces pays. La plupart seront, dans ce pays tiers, en situation de clandestinité, et sans aucune aide ni prise en charge. Alors que, comme l’a rappelé récemment M. Jacques Toubon, les « renvois au nom de Dublin ne sont pas obligatoires », « il existe une clause dans le règlement Dublin qui permet à la France de prendre leur demande d’asile en compte » . « La situation est vraiment difficile pour nos amis, écrit un membre du collectif. L’angoisse et la peur sont insupportables ». D’autant plus que beaucoup d’entre eux ont attendu pendant de longs mois une possible régularisation, pour finalement se voir en procédure d’expulsion. Le 23 août, une majorité des personnes en procédure Dublin dans ce Prahda ont reçu des arrêtés d’expulsion. Une dizaine d’expulsions ont eu lieu depuis l’ex-CAO du Gard, vers l’Italie.

Les convocations et assignations à résidence se multiplient dans les autres Prahda. Loin des maisons et loin des caméras. Sans faire de bruit. Là où parfois il n’y a pas de soutien, pas de collectif. Les personnes ne sont pas aidées dans leurs démarches. En Gironde, certains sont en procédure Dublin depuis plus de sept mois et pourraient faire des demandes de réadmission, et ceux qui sont déboutés pourraient faire des recours, mais rien ne semble fait pour les aider.

Les Prahda, avec le système des assignations à résidence et des agents de la préfecture qui se déplacent pour remettre des arrêtés de transfert, deviennent de petits centres de rétention. Dans certains Prahda, il y a des vigiles, et souvent les grilles automatiques sont fermées la nuit. Les centres sont équipés de nombreuses caméras de surveillance.

Pour les personnes en procédure « normale », c’est-à-dire qui ont pu déposer une demande d’asile en France et ont pu suivre une procédure auprès de l’OFPRA, la question se pose aussi de leur suivi. Est-ce qu’ils reçoivent l’encadrement et l’aide nécessaire pour constituer leur dossier et faire des recours, si leur demande est rejetée ? Les assistantes sociales sont souvent débordées. Vu l’isolement des Prahda et, bien souvent, l’absence d’associations d’aide juridique, cela semble difficile.

Les Prahda, alors, qu’est-ce que c’est ? Souvent des ex-hôtels Formule 1, souvent non-équipés, en bord d’autoroute, au milieu de nulle part, avec un très faible nombre d’employés. La conséquence de cet isolement, c’est l’absence complète d’accès aux associations d’aide juridique et sociale, l’absence complète d’accès à des cours de français et au tissu de relations et d’entraide susceptibles de rassembler les personnes et de les aider à faire valoir leurs droits. La situation peut changer, et commence déjà à changer un peu, grâce à l’énergie des solidaires et des bénévoles, et les efforts des travailleurs sociaux. Mais les procédures d’expulsion du territoire se multiplient.

Isoler, séparer, invisibiliser… Ce dispositif s’inscrit dans le durcissement sécuritaire, la précarisation des demandeurs d’asile, la nette dégradation de leurs conditions d’accueil et de respect de leurs droits, déjà dénoncés par les associations, ainsi que l’augmentation et l’accélération des expulsions sous procédure Dublin. Les Prahda s’inscrivent dans la politique actuelle d’expulsion et de « tri » réservée aux demandeurs d’asile en France et en Europe.

Alors que faire, sinon dénoncer, dénoncer inlassablement ? Parler des Prahda, informer les uns, sensibiliser les autres, tenter de résister à l’isolement des résidents des Prahda, en implantant des structures associatives, en proposant de l’aide juridique, en montrant que les personnes sont suivies et écoutées, en luttant contre les expulsions et en médiatisant ces expulsions.

À toutes fins utiles, la liste des Prahda sur le territoire est disponible ici :

Liste des Prahda

Notes

[1] Programme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile

[2] Adoma remporte le marché PRAHDA et prépare l’après-CAO, sur IAATA, mai 2017

 

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Actus

SITUATION DANS LA VALLÉE DE LA ROYA

LA SITUATION DANS LA VALLÉE DE LA ROYA DEVIENT PROPREMENT INTOLÉRABLE
: EXPULSIONS ILLÉGALES DE DEMANDEURS D'ASILE ET DE MINEURS,
VIOLENCES, ARRESTATIONS ARBITRAIRES ET RÉPRESSION À L'ENCONTRE
DE DE CELLES ET CEUX QUI PROTESTENT ET FOURNISSENT LES SECOURS LES
PLUS ÉLÉMENTAIRES AUX MIGRANTS. LE CP PUBLIÉ PAR CÉDRIC HERROU ET
LA VIDÉO DU COLLECTIF ROYA SOLIDAIRE (CRS) EN APPORTENT DES PREUVES
RÉVOLTANTES.
Communiqué de Cédric Herrou et VIDÉO À VOIR ET À DIFFUSER
ABSOLUMENT
LA VIDEO EST EN LIGNE
« FESTIVAL DU DROIT D’ASILE DE CANNES »

 

Lundi 24 Juillet Cédric Herrou a été mis en garde à vue puis mis
en examen pour « _aide à l’entrée et a la circulation de personnes
en situation irrégulière _» alors qu’il suivait des demandeurs
d’asile comme en train jusqu’en gare de Cannes afin d’être témoin
d’éventuelles interpellations illégales et violations de leur droit.

 

Le collectif CRS dont fait partie Cédric avait pour projet de
réaliser un film documentaire retraçant le parcours chaotique d’un
demandeur d’asile dans les Alpes-Maritimes.
Ce projet a du être précipité à cause de l’arrestation de Cédric.
Le présent film a été tourné en caméra cachée avec des
téléphones portables et des caméras professionnelles.
Il démontre les violations des droits des demandeurs d’asile qui se
sont vues interpeller et reconduits à la frontière au mépris de
leurs statut de demandeur d’asile, sans examen de leur demande, sans
accès à des interprètes ni à leurs avocats.

CAMPAGNE DE FINANCEMENT PARTICIPATIF – VALLÉE DE LA ROYA
L’hiver dernier a été très difficile et il est urgent de créer des structures pour protéger les demandeurs d’asile du froid et des intempéries. Il est aussi nécessaire d’améliorer les conditions sanitaires (toilettes, douches, accès à l’eau). Avec les personnes
qui vivent chez moi nous avons décidé de lancer une cagnotte afin de
financer tous ces travaux :
https://www.leetchi.com/c/solidarite-de-les-refugies-de-la-roya [2]
Pour tout cela j’ai besoin de votre soutien. Si vous pouvez diffuser
la cagnotte au maximum. Je vous remercie d’avance. Cédric Herrou

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