CIMADE – Communiqué de presse du 14 février 2018
RÉTENTION : UNE LOI DÉVASTATRICE POUR LES DROITS DES « PERSONNES DUBLINÉES »
Le jeudi 15 février 2018, l’Assemblée nationale pourrait adopter définitivement la proposition de loi relative à l’application du régime européen Dublin. En effet, en commission des lois, l’intégralité des amendements des député·es La République en marche ont été retirés à la demande du gouvernement validant un texte durci par le Sénat. Seuls quelques député·es LREM ont déposé in extremis des amendements pour modifier le texte. S’ils ne sont pas adoptés par l’hémicycle demain, la loi votée par le Sénat entrera en vigueur. La proposition de loi va permettre aux préfectures de multiplier l’enfermement en rétention des personnes qui déposent une demande d’asile en France avant même de déterminer si elles doivent aller dans un autre pays européen pour la faire examiner. Il s’agit du pays par lequel elles sont entrées dans l’Union européenne et où leurs empreintes ont été enregistrées ou celui dans lequel elles ont déposé une demande d’asile. Le 27 septembre 2017, la Cour de cassation a jugé qu’une telle rétention n’était pas possible, à défaut d’une définition par la loi du « risque de fuite » des demandeurs d’asile concernés. Elle a réitéré cette jurisprudence par un nouvel arrêt du 7 février 2018. La proposition de loi définit un « risque de fuite » présumé, à travers douze situations extrêmement larges, permettant d’enfermer en rétention de façon quasi systématique les personnes, y compris des enfants. Une ligne rouge est franchie : elle permet pour la première fois d’enfermer des personnes avant même qu’une décision d’expulsion ait été prononcée, ce qui est contraire à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel [1]. Elle a également réduit le délai pour contester ces décisions de quinze à sept jours. Alors que plus de 35 000 personnes étrangères ont fait l’objet d’une procédure Dublin en 2017 en France, cette loi va conduire à remplir les centres de rétention administrative d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne font que solliciter une protection. Le règlement Dublin est un système injuste puisqu’il fait davantage peser sur les États européens situés aux frontières extérieures de l’UE la responsabilité de l’examen des demandes d’asile. La Cimade appelle à la mise en place d’un système d’asile européen commun où le choix du pays d’accueil serait fait par la personne, et dans l’immédiat, à suspendre les effets dévastateurs du règlement Dublin.
[1] Conseil Constitutionnel, décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, Conseil Constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité et Conseil Constitutionnel, décision n°2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.