Mercredi 19 juin, dans le cadre d’une gigantesque opération, des dizaines de gendarmes et policiers surarmés sont entrés dans le centre social autogéré du 14 rue Bonnard où vivent 160 personnes dont plus de 40 enfants, tous scolarisés (pour les plus de 3 ans).
Nous, habitantes et habitants de ce lieu, souhaitons réagir à cette opération et au traitement médiatique qui en a été fait, car cela a constitué un véritable traumatisme : nous avons été mis en joue et traités comme de dangereux délinquants. La police est venue en cherchant des criminels, elle a trouvé beaucoup de jeunes enfants paniqués par ce déploiement digne d’une opération de guerre. Les enfants en pleurs ont tenté de se cacher derrière les portes. Après plusieurs jours ils ont toujours des difficultés à dormir, ils vivent dans la crainte d’une nouvelle intervention et certains se précipitent sous les lits lorsqu’ils entendent la sirène des pompiers.
Au terme d’une journée d’angoisse, il s’est avéré qu’un habitant suspecté de participation à des délits a été arrêté. Deux autres personnes, ont été arrêtés (puis relâchées) sans être accusés d’activités délictueuses. Il s’agit de pères de famille, en attente de régularisation.
Nous déclarons que nous sommes évidemment d’accord pour que la police lutte contre les trafics. En revanche nous déplorons ce déploiement de force terrifiant et disproportionné. Nous regrettons également le traitement médiatique associé qui a globalement consisté à pointer indistinctement du doigt la communauté albanaise, de plus en plus souvent présentée comme une immense mafia.
Le Centre social Bonnard regroupe différentes nationalités : français, italiens, soudanais, albanais, allemands, guinéens… Nous venons d’horizons divers. Nous sommes réunis par le besoin d’avoir un toit et le désir de construire une vie meilleure. Notre fonctionnement, sans être parfait, repose sur la volonté de cohabiter démocratiquement et fraternellement. La création de ce centre social est une modeste réponse citoyenne à la pénurie d’hébergement d’urgence sur Montpellier, en particulier au manque d’hébergement pour les demandeurs d’asile (responsabilité qui incombe à l’état). Dans un contexte où de très nombreux logements montpelliérains sont vacants, l’occupation de ce bâtiment est légale. Elle fait l’objet d’une décision de justice qui a arbitré entre droit à la propriété et droit au logement. .
Dans l’esprit de la citation de l’Abbé Pierre « Il ne faut pas faire la guerre aux pauvres mais à la pauvreté », nous lançons un appel aux pouvoirs publics pour assumer leurs responsabilités en matière d’hébergement, mais aussi de respect du droit d’asile et de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Nous lançons également un appel aux montpelliéraines et montpelliérains pour refuser d’associer personnes migrantes et criminalité, pour les ressortissants albanais comme pour les autres nationalités.