Monsieur Michel Lalande, Préfet du Nord,
Nous nous adressons à vous en tant que Collectif citoyen Migrant-e-s Bienvenue 34 pour vous exprimer notre désarroi, s’agissant des réfugiés venant de Grande Synthe qui ont été relocalisés au CAO de Montpellier suite à l’incendie qui a détruit ce camp d’accueil en avril dernier.
Pour convaincre ces demandeurs d’asile de la pertinence de monter dans les bus affrétés pour les envoyer en Régions, alors que tel n’était pas leur projet, vous avez prononcé des paroles apaisantes et rassurantes et promis, tout comme l’avait fait avant vous le Premier Ministre Caseneuve et le Ministre de l’intérieur Roux aux demandeurs d’asile calaisiens, que s’ils acceptaient de faire confiance à l’administration, ils ne seraient pas renvoyés aux frontières (autrement dit qu’ils ne seraient « dublinés »).
Cette promesse, très concrète et déterminante pour chacun de ces migrants, engage l’État français puisque vous êtes son représentant.
Elle a été globalement tenue par l’administration française pour les migrants venus de Calais, le Directeur général de l’OFPRA Brice Pascal, ayant, a-t-on dit par la suite, fait un point d’honneur personnel à ce que cet engagement étatique soit honoré et ayant rappelé aux préfectures qui s’en affranchissaient leurs responsabilités face aux engagements de l’État.
En ce qui vous concerne, tous les demandeurs d’asile de Grande Synthe et alentours de Dunkerque vous ont cru et vous ont applaudi vigoureusement, avant de monter dans ces bus, persuadés qu’ils allaient bientôt voir le bout de leur tunnel. Certains ont filmé ce moment si important pour eux et la Presse s’est fait l’écho de vos propos. Les citoyens et les associatifs qui entourent les migrants vous ont cru également et ont été rassérénés par votre engagement.
Nous avons donc, à Montpellier comme ailleurs, accueilli ces exilés, traumatisés pour la plupart par leur longue errance, par l’attente administrative et l’anxiété épuisante de ne pas savoir quel Etat d’Europe voudra bien considérer leur cas singulier et donner réponse à leur demande d’asile. Nous avons souri en constatant que certains d’entre eux s’accrochaient au bracelet plastifié « Grande Synthe » qu’ils portaient au poignet et veillaient à ne pas l’endommager, convaincus que ce précieux sésame allait leur ouvrir enfin le droit d’être considéré par l’Etat français.
Aujourd’hui, nous sommes terriblement dépités de constater que la Préfecture de l’Hérault ne respecte pas l’engagement de l’Etat dont vous avez été le porte-voix et annonce le renvoi vers l’Allemagne, la Bulgarie, la Hongrie ou l’Italie, dans le cadre du Règlement Dublin III, des Afghans venus de Dunkerque que nous entourons depuis leur arrivée au CAO de Montpellier et avec qui nous avons créé des liens fraternels et solidaires. Notre désappointement et notre colère, comme celle de nos amis demandeurs d’asile, gonfle en nous entendant répliquer que « vous n’auriez pas dit ce que vous avez dit » ?!
Cela ne saurait être sans discréditer la parole donnée et l’honneur de notre Pays. Les exilés à qui vous vous êtes adressé sont des êtres humains qui méritent le respect, comme chacun d’entre nous, et ne peuvent être l’objet d’un cruel jeu de dupes.
C’est pourquoi, Monsieur le Préfet du Nord, nous vous interpellons solennellement afin qu’en tant que Représentant de l’État français, vous vous engagiez personnellement pour voir honorer l’engagement que vous avez pris, selon lequel les exilés de Dunkerque acceptant d’être relocalisés en Régions ne seraient pas reconduits aux frontières.
Le Collectif Migrant-e-s Bienvenue 34
Copie de la présente à :
– Monsieur Brice Pascal, Directeur général de l’OFPRA (OFPRA, 201 Rue Carnot, 94136 Fontenay-sous-Bois)
– Monsieur Damien Carême, Maire de Grande Synthe (Hôtel de ville Grande Synthe, Place François Mitterrand, 59760 Grande-Synthe),
– Monsieur Jacques Toubon, Défenseur des droits (Défenseur des droits, Libre réponse 71120, 75342 Paris Cedex 07),
– Monsieur Pierre Pouëssel, Préfet de l’Hérault,
– Monsieur Philippe Nucho, Secrétaire général adjoint Préfecture de l’Hérault,
– la Presse.