Non à l’emprisonnement des migrants mineurs ou jeunes majeurs dans l’Hérault !

Soyons nombreux le 16 et le 18 avril 2018 à nous rassembler, dès 13 heures, devant le TGI de Montpellier place Pierre Flotte pour dire :

Stop à l’enfermement des jeunes migrants mineurs ou majeurs !

Depuis deux ans, des dizaines de migrants mineurs, ou jeunes majeurs, ont été condamnés à des peines de trois à cinq mois de prison ferme et de trois à cinq ans d’interdiction du territoire français. Quand un jeune arrive dans l’Hérault, il doit passer par le commissariat avant d’être mis à l’abri par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du département. Il est placé dans un hôtel et abandonné à lui-même, pendant des mois, avec simplement une visite tous les quinze jours d’un éducateur de l’ASE. Quand on connaît les traumatismes, liés au parcours, subis, notamment en Lybie, c’est inadmissible !

Au bout d’un à deux mois, il sera évalué, par une association mandatée par le conseil départemental, qui fera un rapport sur sa minorité. Ensuite, le procureur est saisi pour qu’il délivre une OPP (Ordonnance de placement provisoire). Le procureur saisit alors la police des frontières afin d’examiner l’authenticité des papiers.

En Afrique, dans bien des endroits, les naissances ne sont pas toujours enregistrées et dans bien des cas, c’est au moment où un jeune en a besoin, qu’il sollicite un acte de naissance, ou un jugement supplétif. C’est ainsi que de nombreux jeunes se retrouvent nés le 1er janvier. Même si certains connaissent leur âge, une grande partie n’en n’a pas réellement connaissance. Beaucoup de ces jeunes sont « envoyés », par leur famille, parfois à la suite du décès d’un, ou des parents, pour tenter un avenir meilleur en France. Leur parcours est bien souvent long, traumatisant et soumis à de multiples violences et exploitations de toutes sortes pour payer leur voyage. Tout ceci leur confère une maturité que n’ont pas les jeunes du même âge en France. Ces jeunes sont trop souvent suspectés d’être de faux mineurs et ce malgré une évaluation positive réalisée par les associations. Au moindre doute, ils sont convoqués pour passer un test osseux. A notre connaissance, ceci aurait concerné 1/3 des mineurs accueillis en 2017 dans l’Hérault.

Or il faut savoir que la validité scientifique de ces tests osseux est fortement contestée depuis des années. L’appréciation des marges d’erreur varie entre 2 et 4 ans ! D’ailleurs la plupart des départements n’ont plus recours à ces tests. Ces examens médicaux sont pratiqués alors que les jeunes n’ont pas le choix de s’y opposer faute de renoncer à toute protection. Leur consentement pour ces examens est donc totalement artificiel, voire facétieux.

En 2015, le Défenseur des droits affirmait que : « l’utilisation des tests osseux destinés à déterminer l’âge des mineurs étrangers isolés est inadaptée et inefficace et qu’ils portent atteinte à la dignité des enfants. » Le Défenseur des droits souhaite qu’il y soit mis un terme définitif. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (Assemblée plénière du 26 juin 2014) demande l’interdiction du test osseux. Alors qu’à Nîmes, les médecins de l’hôpital refusent de faire passer le test, à Montpellier, les médecins légistes de l’hôpital ont, non seulement fait passer le test à 1/3 des mineurs accueillis, mais en plus, ils pratiquent la palpation des parties génitales formellement interdite par l’ordre des médecins. Notons d’ailleurs au passage, qu’à aucun moment le jeune n’est informé, par l’ASE, des doutes sur ses actes d’état civil, pas plus d’ailleurs que du suivi de l’enquête administrative le concernant. Le doute ne semble jamais lui profiter.

Pendant toute cette période, qui peut durer de sept à neuf mois, le jeune est laissé livré à lui-même, sans couverture sociale, sans qu’aucune formation, ou scolarisation, ne lui soit proposée.

Ainsi, à l’issue d’une procédure qui conclut à la majorité, le procureur saisi poursuit alors le jeune, le Département se porte partie civile et réclame réparation des sommes versées au titre de la prise en charge dans le cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance, sommes qui ne correspondent en rien au soi-disant préjudice 1. Un jour, à 6 heures du matin, la police vient chercher le jeune. Présenté le jour même devant le juge du Tribunal de grande instance de Montpellier en comparution immédiate, le procureur requière de cinq à dix mois de prison ferme et de cinq à dix ans d’interdiction du territoire français et le jeune se retrouve condamné à une peine de trois à cinq mois, de prison ferme assortis de trois à cinq ans d’interdiction du territoire français, avec pour tout moyen de défense un avocat commis d’office. Ce sont plusieurs dizaines de jeunes qui ont été ainsi condamnés depuis deux ans. Le récit de ces jeunes passés par la case prison, aux côtés de condamnés de droit commun, contribuant ainsi à la surpopulation carcérale tant dénoncée, est tout simplement insupportable. Certains nous diront même que cette étape de leur vie a été la plus douloureuse de toutes celles pourtant dramatiques de leur parcours d’exil.

Mercredi 21 mars, ce sont cinq jeunes, « cueillis » dans leur lit par la police, qui ont été présentés en comparution immédiate devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier. Ce jour-là, il y avait grève des avocats et leurs procès ont été reportés au 16 avril, pour deux d’entre eux, et au 18 avril pour les trois autres. Voyant que cette fois-ci, ces jeunes ne pourraient pas être expédiés en prison en un quart d’heure d’audience et en catimini, et craignant, à juste titre une mobilisation, le Procureur et le responsable de la PAF ont voulu prendre les devants et ont organisé une conférence de presse. « Les services de la police des frontières (PAF) a annoncé, ce 4 avril, avoir démantelé « une filière » d’immigration clandestine de jeunes ivoiriens se faisant passer, auprès du conseil départemental de l’Hérault comme faux mineurs. » (Le Midi Libre du 04/04/2018). Tout est dit, selon le vieux principe « calomnie, calomnie, il en reste toujours quelque chose », surtout quand elle provient d’une autorité. Si deux d’entre eux ont reconnu être majeurs, pour les trois autres, nous espérons que, cette fois, les avocats auront le temps de prouver leur minorité.

Coupables d’avoir été reconnus majeurs, même si ce n’est pas le cas, ces jeunes sont envoyés en prison parce qu’ils ont pu, pendant quelques mois, bénéficier d’une mise à l’abri (le plus souvent dans un hôtel), être nourris, et, très rarement, aller à l’école, – à peu de chose près, comme s’ils avaient été pris en charge par le 115 – c’est-à-dire avoir bénéficié de ce dont tout humain devrait bénéficier sur notre terre, simple application des articles 25 et 26 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme. Verra-t-on, à cause de la circulaire Collomb, les agents de l’OFFII, venir chasser les personnes, dites en situation irrégulière, mises à l’abri dans les centres d’urgence, comme la police vient « de cueillir » ces jeunes. Et va-t-on les emprisonner pour leur demander le remboursement de leur mise à l’abri. Ces jeunes ont fui la misère et la guerre, pour beaucoup leur voyage a été un vrai traumatisme. Si pour certains les passeurs ont fourni de faux papiers, ces jeunes sont bien plus des victimes que des coupables. Ne leur infligeons pas une double peine. N’ajoutons pas à celles de la misère et de la violence subies pendant leur voyage, celle de la prison.

Si certains de ces jeunes mentent parfois, ce n’est ni un crime, ni un vol, c’est pour fuir la misère, misère dont les anciens pays colonisateurs sont bien souvent responsables. Quand pour plusieurs de ces jeunes, nous obtenons les papiers prouvant leur minorité et l’authenticité de leur date de naissance, la contestation de leur condamnation auprès du TGI prend alors un temps infini, à croire que justice remet chaque fois le dossier dans le dessous de la pile pour ne pas avoir à se déjuger. Sur France Inter, Robert Badinter évoquait Victor Hugo assistant à des condamnations à des peines de prison. A cette époque, il n’y avait de casier judiciaire et on marquait les condamnés au fer rouge. Entendant le cri déchirant d’une condamnée, Victor Hugo avait dit : « « Il faut mettre fin à l’injustice de la justice. »

Monsieur Emmanuel Macron, Président de la république, Madame Nicole Belloubet, Garde des sceaux et Ministre de la justice, écoutez les cris ou plutôt les pleurs de ces jeunes, mettez fin à l’injustice de cette justice, c’est au nom de la République que ces jeunes sont envoyés en prison. C’est intolérable.

1 Une nuit d’hôtel coûte de 50 à 60€, plus les repas, plus un éducateur qui passe deux fois par mois, soit un coût inférieur à 100€/J et le Département réclame 284€ par jour.